Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/262

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rager par les critiques (justes peut-être en partie, mais plus souvent perfides et ignorantes), qui assaillirent la première édition de mes tragédies, celle de 1783, à Sienne, je ne me laissai pas non plus enorgueillir, ni convaincre par ces applaudissemens aveugles et immérités, que voulut bien m’accorder le parterre de Turin, prenant sans doute en pitié mon assurance et ma présomption de jeune homme. Mon premier pas vers la pureté toscane devait être, et fut en effet la résolution que je pris d’écarter impitoyablement toute lecture française. Depuis ce mois de juillet, je me refusai à prononcer un seul mot de français, évitant d’ailleurs soigneusement les personnes et les sociétés qui parlaient cette langue ; malgré tout cela, je ne venais pas encore à bout de m’italianiser. J’avais toujours beaucoup de peine à me faire aux études graduées et réglées ; et recommençant, tous les trois jours, à regimber contre les conseils, sans cesse aussi je recommençais à vouloir voler de mes propres ailes.

La moindre idée qui me passait par la tête, j’essayais aussitôt de la mettre en vers. Tous les genres, tous les mètres m’étaient bons ; j’y laissais mon orgueil et mes cornes, jamais mon indomptable espoir. Entre autres rapsodies (car je n’oserais les appeler des poésies), il me prit la fantaisie de composer un morceau, pour le chanter ensuite à un banquet de francs-maçons. C’était, ou ce devait être une allusion perpétuelle aux divers us-