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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/264

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Au mois d’août de cette même année 1775, craignant de mener à la ville une vie trop dissipée, et de ne pouvoir y étudier à mon gré, je m’en allai

    Que vas-tu chanter (et de quel front ?) devant une assemblée si vénérable et si auguste, toi qui n’as pas même vu la fontaine sacrée ?

    Téméraire lyre, tu veux plaire en babillant sur des choses que lu ne connais pas, et que respecte le Scythe glacé et le Libyen brûlé par le soleil !

    Quel sera ton guide dans une entreprise si haute ? N’espère rien des muses, depuis long-temps sourdes à tes prières ; vainement s’armeraient-elles pour te défendre.

    Détends, brise, brûle tes cordes, si le feu divin ne vient t’embraser : ainsi tu tromperas l’espérance des Parques avides.

    Tous les dieux dont l’imagination des Grecs a peuplé le ciel et l’enfer ne pourraient rien pour toi, ils courront se cacher.

    Ne sais-tu qui invoquer, écoute, je vais te l’apprendre. Élève ton vol au-dessus de la terrestre plage, reconnais une divinité plus sublime et plus chère à nos cœurs.

    Contemple le suprême fabricateur des mondes, puis pâlis et tremble ; et si tu l’oses, demande-lui la vérité.

    Déchire toi-même le voile de ton ignorance, et il te montrera le premier maçon, l’origine première de l’ordre universel.

    Mais s’il te révélait ce grand mystère, aurais-tu, pour élever ton vol, d’assez nobles concerts, une main assez ferme ?

    Ah ! prenez pitié de sa faiblesse, frères bien-aimés, la folie raisonne-t-elle ? Elle délire, quand elle ose vous chanter des vers si dépourvus d’art.

    Ô lyre, voilà que déjà tu excites ma colère ; tais-toi, respecte, crois et t’incline humblement, c’est là tout ce que t’accorde celui qui t’inspire.