Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/287

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toscanisé, mais je n’avais pas pris toutes les mesures nécessaires pour rester plus long-temps hors de chez moi. Il entrait aussi dans ma résolution plus d’un motif frivole. Tous mes chevaux que j’avais laissés à Turin m’y attendaient et m’y rappelaient. Cette passion des chevaux a long-temps disputé mon cœur à celle des muses, et ce ne fut que plus d’un an après qu’elle perdit vraiment sa cause. D’autre part, l’étude et la gloire ne m’absorbaient pas tellement, que l’amour du plaisir ne me fît souvent encore sentir son aiguillon. Que de raisons pour y céder à Turin, où j’avais une bonne maison, des relations de tout genre, des bêtes autant que je pouvais en désirer, des distractions et des amis plus qu’il ne m’en fallait. Malgré tant d’obstacles, l’hiver n’apporta aucun ralentissement à mes études ; j’ajoutai, au contraire, aux occupations et aux devoirs que je m’étais imposés. Après Horace tout entier, j’avais lu et médité, page par page, beaucoup d’autres écrivains, et dans le nombre, Salluste. L’élégante précision de cet historien m’avait si bien gagné le cœur, que je m’appliquai sérieusement à le traduire, et j’en vins à bout dans le cours de cet hiver. J’ai à ce travail des obligations infinies ; depuis, je l’ai refait, corrigé, limé peut-être sans trop d’avantage pour l’œuvre en elle-même, mais certainement avec grand profit pour moi, car en m’aidant à mieux comprendre le latin, il me rendait aussi plus habile à manier la langue italienne.

Sur ces entrefaites revenait de Portugal l’incom-