Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/289

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que fois que je lui lisais mes informes productions qu’il censurait toujours sans aucune miséricorde, en véritable et généreux ami, me disant le pourquoi et me laissant satisfait de ses raisons, je laisse à juger quel doux nectar furent pour moi ces louanges sincères et inaccoutumées. Ce sonnet avait pour sujet l’enlèvement de Ganimède, et je l’avais écrit à l’imitation de l’inimitable sonnet de Cassiani, sur le rapt de Proserpine. Je l’ai imprimé en tête de mes poésies. Excité par ces louanges, j’en composai aussitôt deux autres dont j’empruntai le sujet à la fable, que j’imitai comme le premier, et que j’ai placés dans mon livre immédiatement après celui-ci. Imités tous les trois, ils se ressentent un peu trop de leur servile origine, mais si je ne me trompe, ils ont le mérite d’être écrits avec une certaine clarté et avec une élégance que jamais encore je n’avais rencontrée. C’est pour cela que j’ai tenu à les conserver et à les imprimer long-temps après, en y changeant fort peu de chose. À la suite de ces trois premiers sonnets passables, et de cette nouvelle source qui venait de s’ouvrir en moi, il en coula beaucoup trop d’autres pendant cet hiver, sonnets d’amour la plupart, mais que l’amour n’avait pas dictés. Uniquement pour m’exercer dans la langue des vers, j’avais entrepris de décrire, l’une après l’autre, les beautés d’une très-aimable et très-charmante dame. Je ne me sentais pas pour elle la moindre étincelle dans le cœur, et peut-être ne le verra-t-on que trop bien dans ces sonnets plus descriptifs que tendres.