Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tinée sur une bête de louage, uniquement pour ma santé. Le soir, j’avais la douceur de sa vue, douceur trop souvent, hélas ! comme je l’ai dit, mêlée du regret amer de la trouver triste et opprimée. Si je n’avais eu cette opiniâtre préoccupation de l’étude, je n’aurais pu me résigner à la voir si peu et de cette manière ; mais aussi, si je n’avais eu cette unique consolation de sa chère présence pour adoucir l’âpreté de ma solitude, je n’aurais pu résister à cette ardeur continuelle, et, pour ainsi dire, à cette rage de l’étude.

Pendant 1779, je mis en vers la Conjuration des Pazzi, je conçus la Rosemonde, l’Octavie, le Timoléon ; je développai la Rosemonde et la Marie Stuart ; je versifiai le Don Garcia ; j’achevai le premier chant de mon poème, et j’avançai beaucoup dans le second.

Parmi ces chaudes et laborieuses occupations de l’esprit, je trouvais le temps de satisfaire aux besoins de mon cœur entre ma bien-aimée présente et deux amis absens avec qui je m’épanchais dans mes lettres. L’un était Gori, de Sienne, qui était venu deux ou trois fois à Florence pour me voir ; l’autre, cet excellent abbé de Caluso qui, vers le milieu de cette même année 1779, vint aussi à Florence où l’appelaient en partie le désir de se plonger pendant une année dans les douceurs de cette bienheureuse langue toscane, en partie (du moins je m’en flatte), le plaisir de revoir un homme qui l’aimait autant que je le faisais ; c’était aussi pour se livrer à ses études plus tranquillement et plus li-