des chevaux, mais quatre seulement, ce qui peut-être était déjà trop pour un poète. Le cher abbé de Caluso était retourné à Turin depuis plus de six mois ; c’est pourquoi n’ayant aucun ami à qui confier ma peine, séparé de ma bien-aimée, et ne me sentant plus vivre, dès le 1er février je partis sans bruit, et pris à cheval la route de Sienne, pour y embrasser, en passant, mon ami Gori, et soulager un peu mon cœur avec lui. Je continuai ensuite vers Rome, dont l’approche faisait battre mon cœur, tant l’œil de l’amant ressemble peu à tous les autres. Cette contrée déserte, malsaine, qui trois ans auparavant m’avait paru ce qu’elle était, s’offrit cette fois à mes regards comme le séjour le plus délicieux du monde.
J’arrivai ; je la vis (ô Dieu ! mon cœur se brise encore rien que d’y penser !), je la vis captive derrière une grille, moins tourmentée peut-être qu’elle ne l’était à Florence ; mais, par d’autres motifs, tout aussi malheureuse. Hélas ! n’étions-nous pas séparés, et qui pouvait savoir quand nous cesserions de l’être ? Mais à travers mes larmes, c’était pour moi une consolation de songer que sa santé du moins allait se rétablir peu à peu ; de penser qu’elle pourrait du moins respirer un air plus libre, dormir d’un sommeil paisible, ne plus avoir sans cesse à trembler devant l’ombre invisible, odieuse, d’un époux ivre, qu’elle pourrait vivre enfin. Cette idée me rendait moins cruels et moins longs les jours horribles de l’absence, lorsque d’ailleurs il fallait bien m’y résigner.