Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/327

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ville, elle s’y rendit, et se retira dans un autre couvent. Les raisons qu’elle avait eues de rompre avec son mari étaient si nombreuses et si évidentes, que cette séparation fut universellement approuvée.

Elle partit donc pour Rome sur la fin de décembre, et je restai dans ce désert de Florence comme un aveugle qu’on abandonne. Je sentis véritablement alors et dans le fond de l’âme que sans elle je ne vivais qu’à moitié. Absolument inhabile à toute occupation, à toute œuvre élevée, et n’ayant plus aucun souci de cette gloire si ardemment aimée, ni de moi-même, il est donc bien clair que si dans cette affaire j’avais travaillé avec zèle pour le plus grand bien de mon amie, je n’avais rien fait pour le mien, puisqu’il n’y avait pas pour moi de plus grand malheur que celui de ne plus la voir. Je ne pouvais avec décence la suivre à Rome immédiatement ; je ne pouvais non plus me tenir à Florence. 1781. J’y restai cependant jusqu’à la fin de janvier 1781 ; mais les semaines étaient pour moi des années, et je ne savais plus ni travailler ni lire. Je pris enfin le parti de m’en aller à Naples chercher quelque remède ; et l’on se doute bien que si je choisis Naples, c’est que pour s’y rendre il faut passer par Rome.

Il y avait déjà plus d’un an que s’étaient dissipés les derniers brouillards de mon second accès d’avarice. J’avais placé en deux fois plus de 160,000 fr. dans les rentes viagères de France, ce qui rendait mon existence indépendante du Piémont. J’étais revenu à des dépenses raisonnables, j’avais racheté