frein, promesse, résolution, tout fut inutile ; je ne pus faire autrement ni revenir aux premières, que ces deux-ci n’eussent reçu le dernier coup de pinceau. Ainsi naquirent ces deux tragédies, plus inspirées que toutes les autres. Que la gloire nous soit commune si elles l’ont méritée et obtenue ; mais je leur renvoie la plus grande part du blâme, s’il y en a, car c’est bien malgré moi qu’elles ont voulu naître et se jeter à travers les autres. Je dois dire pourtant que de celles-ci aucune ne m’a coûté moins de travail et moins de temps.
Cependant vers la fin de septembre de cette même année 1782, mes quatorze tragédies furent dictées, recopiées, corrigées, que ne puis-je dire ! et limées. Mais au bout de quelques mois, je m’aperçus bien vite et me convainquis qu’elles étaient encore loin d’être parfaites. Je ne manquai pas de les croire telles pour le moment, et de me tenir le premier homme du monde. J’avais en dix mois versifié sept tragédies, j’en avais inventé, développé, versifié deux nouvelles ; enfin j’en avais dicté quatorze en les corrigeant. Le mois d’octobre, époque pour moi mémorable, m’apporta donc après de si rudes fatigues un repos délicieux autant que nécessaire. J’employai quelques jours à faire à cheval un petit voyage, et m’en allai à Terni, visiter cette fameuse cascade. Plein des bouffées d’une vaine gloire, je n’osais l’avouer ouvertement qu’à moi-même, et ne le laissais entrevoir que sous un voile à la douce moitié de moi-même, qui, un peu portée elle aussi (sans doute par son attachement pour moi) à me