Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/338

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Mais je dois également confesser que, pour ce qui est d’une foule de longueurs, des froides déclamations qui pouvaient se rencontrer, çà et là, outre que l’ennui m’avait souvent gagné moi-même en lisant, j’en trouvais la critique tacite, mais très-sincère, dans ces bienheureux bâillemens, dans ces toux involontaires, dans ces mouvemens inquiets qui, sans le vouloir, jugeaient l’œuvre et avertissaient l’auteur. Je ne nierai pas, non plus, que d’excellens conseils et en grand nombre, ne m’aient été donnés, après ces diverses lectures, par des gens de lettres, par des hommes du monde, et surtout par plusieurs dames, dans tout ce qui avait rapport aux passions. Les gens de lettres s’escrimaient sur l’élocution et les règles de l’art ; les hommes du monde sur l’invention, la conduite et les caractères ; les rustres enfin me servaient fort à leur manière, avec leurs contorsions et leurs ronflemens plus ou moins significatifs. Tous en somme, à ce qu’il me semble, me furent d’une grande utilité. C’est ainsi qu’en écoutant tout le monde, en me souvenant de tout, en ne négligeant rien, en ne dédaignant aucun individu, quoique j’en estimasse un fort petit nombre, j’en tirai ensuite pour moi et pour mon art ce qui convenait le mieux. À toutes ces confessions j’en ajouterai une dernière, c’est que je m’apercevais fort bien qu’en venant de la sorte lire des tragédies au milieu d’un demi-public, et devant des gens qui n’étaient pas toujours ses amis, un étranger pouvait, par là même, s’exposer au ridicule. Mais je ne saurais