Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/342

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meur. Plus tard j’appris à mes dépens que là seulement son labeur commence.

Pendant les deux mois au moins que dura l’impression de ces quatre tragédies, j’étais à Rome sur les charbons ardens, en proie à de continuelles palpitations, et à une fièvre d’esprit que rien ne pouvait calmer. Plus d’une fois, mais la honte me retint, je fus tenté de me dédire et de reprendre mon manuscrit. Enfin elles m’arrivèrent successivement à Rome toutes les quatre, imprimées très-correctement, grâce à mon ami ; mais, chacun a pu le voir, très-salement imprimées, grâce au typographe, et versifiées d’une manière barbare, comme je l’ai vu depuis, grâce à l’auteur. L’enfantillage de m’en aller de porte en porte déposer des exemplaires bien reliés de mes premiers travaux pour me concilier des suffrages m’occupa plusieurs jours, et me rendit passablement ridicule à mes propres yeux comme à ceux des autres. J’allai entre autres présenter mon ouvrage au pape qui régnait alors, Pie VI, à qui déjà je m’étais fait présenter il y avait un an lorsque j’étais venu me fixer à Rome. Et ici je confesserai, à ma grande confusion, de quelle tache je me souillai moi-même dans cette audience bienheureuse. Je n’avais pas une très-grande estime pour le pape comme pape ; je n’en avais aucune pour Braschi comme savant ou ayant bien mérité des lettres, qui en effet ne lui devaient rien. Et cependant, moi, ce superbe Alfieri, me faisant précéder de l’offre de mon beau volume, que le Saint Père reçut avec bienveillance, ouvrit et reposa sur