Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/341

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1783.présentation, au commencement de l'année suivante, 1783, je me décidai enfin à tenter pour la première fois la redoutable épreuve de l’impression. Quoique le pas me parût très-glissant, j’en connus bien autrement le péril lorsque j’appris par expérience ce que c’était que les inimitiés et les intrigues littéraires, les tromperies des libraires, les arrêts des journalistes, les bavardages de gazette, en un mot tout le triste cortège auquel on n’échappe guère pour peu qu’on se fasse imprimer ; toutes choses qui jusque alors m’étaient parfaitement inconnues. Enfin je ne savais même pas qu’il existât des journaux littéraires avec des extraits et des jugemens critiques sur les ouvrages nouveaux, tant j’apportais de conscience pure et naïve à ce métier d’écrivain.

Une fois décidé, et voyant que dans Rome je n’en finirais jamais avec les caprices de la révision, j’écrivis à Sienne pour prier mon ami de vouloir bien s’en charger. Il s’y employa avec infiniment de zèle, lui d’abord, et avec lui quelques autres amis ou connaissances, me promettant d’y veiller lui-même, et de hâter avec diligence et sollicitude les progrès de l’impression. Je ne voulus d’abord risquer que quatre de mes tragédies, et j’en adressai à mon ami un manuscrit irréprochable sous le rapport du caractère et de la correction, mais pour la délicatese, l’élégance, la clarté du style, hélas ! trop défectueux encore ! Je croyais alors dans l’innocence de mon cœur qu’un auteur n’a plus rien à faire quand il a donné son manuscrit à l’impri-