Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/346

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prouver mes trop fréquentes visites dans cette maison, quoiqu’elles ne sortissent pas des bornes de l’honnêteté. Mais ce qui m’irritait, c’est que le zèle des prêtres qui furent les seuls moteurs de toute cette intrigue n’était ni évangélique ni dégagé de vues mondaines ; car beaucoup d’entre eux faisaient en même temps, par leurs tristes exemples, l’éloge de ma conduite et la satire de la leur. Leur colère n’était donc pas fille d’une piété sincère, d’une vertu rigide, mais de l’astuce et de la vengeance. À peine de retour à Rome, le beau-frère fit signaler à la dame, par l’organe de ses prêtres, qu’il avait été irrévocablement décidé entre son frère et lui qu’il fallait mettre un terme à mes assiduités auprès d’elle, et que pour son compte il ne les supporterait pas davantage. Ensuite cet homme violent et irréfléchi, comme si c’était là une manière de traiter la chose avec plus de décence, promena par toute la ville le scandale de ses clameurs, en parla lui-même à beaucoup de monde, et porta ses doléances jusqu’au pape. Le bruit courut alors que le pape, à ce sujet, m’avait donné le conseil ou l’ordre de quitter Rome ; ce n’était pas vrai, mais il eût pu aisément le faire, grâce à la liberté italienne. Alors me ressouvenant que quand j’étais à l’académie, il y avait déjà bien des années, et que je portais une perruque, comme je l’ai raconté, j’avais prévenu mes ennemis, en arrachant moi-même cette perruque, avant qu’ils ne vinssent me l’ôter de force ; cette fois encore je prévins l’affront, et, au lieu d’attendre que l’on me