Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/358

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constances où je me trouvais, pouvaient ajouter encore à mes embarras et aux ennuis de celle qui m’intéressait bien plus que moi-même. En attendant, la fatigue de cette correction d’épreuves, si follement renouvelée en si peu de temps, outre que je m’en occupais le plus souvent aussitôt après mon dîner, me donna un accès de goutte assez violent pour me tourmenter et me tenir enfermé pendant quinze jours, parce que je n’avais pas voulu d’abord garder le lit. Cet accès était le second ; j’avais eu le premier à Rome, il y avait un peu plus d’un an ; mais il avait été fort peu de chose. Le second ne me laissa plus douter que ce passe-temps ne dût souvent me visiter pendant le reste de ma vie. Cette incommodité provenait pour moi de deux sources, la tristesse de l’âme et le travail immodéré de l’esprit. Mais l’extrême sobriété de mon régime la combattit toujours victorieusement ; ne faisant rien pour la nourrir, elle ne m’a livré jusqu’ici que de rares et faibles assauts. J’étais au moment de terminer l’impression, lorsque je reçus de Calsabigi, de Naples, une très-longue lettre sur mes quatre premières tragédies, lettre pleine de citations en toute langue, mais assez bien raisonnée. Aussitôt après l’avoir reçue, je me mis à y répondre. C’était jusque là le seul écrit qui fût parti d’une critique saine, juste et éclairée. J’y trouvais en outre l’occasion de développer mes raisons ; et, tout en cherchant moi-même comment et en quoi j’avais failli, j’enseignais au reste de mes ineptes censeurs à critiquer avec discernement et avec fruit ou à se taire. Cet écrit