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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/364

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acheter et les transporter en Italie ; le reste s’en alla dans leur entretien, pendant les cinq années qui suivirent ; car, une fois sorti de leur île, aucun d’eux ne voulut plus mourir, et moi je m’attachai trop à eux pour vouloir en vendre un seul, après m’être si magnifiquement monté. Désolé dans le cœur de ne pouvoir me rapprocher de celle dont l’amour était pour moi la source de toute sage pensée, de toute noble action, je ne fréquentais, je ne recherchais plus personne : je restais avec mes chevaux, ou j’écrivais lettres sur lettres. C’est ainsi que je passai environ cinq mois à Londres, sans penser plus à mes tragédies que si jamais je n’en avais eu l’idée. Seulement, à part moi, me revenait souvent ce singulier rapport de nombre entre mes tragédies et mes bêtes. Je me disais en riant : « C’est un cheval que tu as gagné par tragédie ; » faisant allusion aux chevaux que nous administraient à coups de fouet nos modernes Orbilius, lorsque nous faisions au collège quelque mauvaise composition[1].

Je vécus ainsi des mois et des mois dans cette honteuse et lâche oisiveté ; chaque jour je négli-

  1. En Italie, dit le traducteur qui nous a précédé, et qui étant Italien connaissait bien, sans doute, les usages de son pays, quand un écolier fait une sottise, le maître ordonne à un de ses camarades de le prendre sur son dos en lui tenant fortement les mains. Dans cette posture, il reçoit des coups de fouet. Cela s’appelle : Donner un cheval. (Note du Trad.)