Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/390

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j’avais publié le troisième volume de mes tragédies, et je l’avais envoyé à beaucoup d’Italiens de mérite, et, dans le nombre, à l’illustre Cesarotti, que je priai de m’éclairer de ses lumières sur le style, la composition et la conduite de mes pièces. Je reçus de lui, dans le courant d’avril, une lettre critique sur les trois tragédies que contenait le volume. J’y répondis en peu de mots ; je le remerciai, et notant ce qui, dans ses observations, me paraissait de nature à être contesté, je le priai de nouveau de m’indiquer ou de me donner lui-même un modèle de vers tragiques. Je remarquai à ce sujet que ce même Cesarotti, qui avait conçu et exécuté avec tant de supériorité les vers sublimes de son Ossian, sollicité par moi, deux années auparavant de vouloir bien m’indiquer un modèle pour les vers blancs du dialogue, n’avait pas eu honte de me parler de quelques-unes de ses traductions du français, la Sémiramis et le Mahomet de Voltaire , depuis long-temps imprimées, et de venir indirectement me les proposer pour modèle. Ces traductions de Cesarotti sont dans les mains de tout le monde et me dispensent d’ajouter ici aucune réflexion sur cette particularité. Chacun pourra juger et comparer ces vers tragiques avec les miens, avec ceux de Cesarotti lui-même dans sa traduction épique d’Ossian, et voir s’ils ont l’air de sortir de la même fabrique. Mais ce fait pourra servir à montrer quelle chose misérable c’est que les hommes, et les auteurs en particulier ; nous avons toujours sous la main la palette et le