Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/402

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preuve, car je changeai d’imprimeur, ce qui me réussit sous tous les rapports. Je pris donc des arrangemens avec Didot l’aîné, homme fort entendu dans son art qu’il aimait de passion, fort soigneux en outre et suffisamment instruit dans la langue italienne ; et dès le mois de mai de cette même année 1787, je commençai à imprimer le premier volume de mes tragédies. Mais si je commençai, ce fut surtout pour nous engager l’un envers l’autre ; car je savais très-bien que devant partir au mois de juin, pour aller demeurer en Alsace jusqu’au retour de l’hiver, l’impression, pendant ce temps-là, ne marcherait guère vite, quoique des mesures fussent prises pour me faire passer chaque semaine, en Alsace, les épreuves à corriger, que je devais ensuite renvoyer à Paris. Ainsi je prenais deux fois moi-même l’engagement de revenir passer l’hiver à Paris ; j’y avais une extrême répugnance ; voilà pourquoi ce n’était pas trop du double stimulant de l’amour et de la gloire. Je laissai à Didot le manuscrit des discours en prose qui sont en tête du théâtre, et celui des trois premières tragédies que je croyais sottement avoir étudiées, limées et soignées autant qu’elles pouvaient l’être. Plus tard, quand l’impression commença, je m’aperçus combien je m’étais trompé.

Outre l’amour du repos, l’agrément de notre maison de campagne, le bonheur d’y passer plus de temps avec mon amie, de demeurer sous le même toit, d’y avoir mes livres et mes chers chevaux : c’étaient là autant d’aiguillons pressans qui me