Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/407

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promenant à cheval avec moi, il fit une chute et se démit le poignet. Je crus d’abord qu’il avait le bras cassé, et pis encore. J’en ressentis une vive douleur, qui fut bientôt suivie d’une maladie autrement grave que son accident. Deux jours après, j’étais attaqué d’une dyssenterie violente dont les progrès furent si rapides, que, comme pendant quinze jours il n’était entré dans mon estomac que de l’eau glacée et que mes évacuations fétides avaient passé le nombre de quatre-vingts en vingt-quatre heures, je me vis presque réduit à l’extrémité, sans avoir eu, pour ainsi dire, un mouvement de fièvre. Tel était en moi le défaut de chaleur naturelle, que les fomentations de vin aromatisé que l’on me plaçait sur l’estomac et sur le ventre pour rendre un peu d’activité à ces organes épuisés, bien que brûlantes, au point que mes domestiques y laissaient la peau de leurs mains en les préparant, et moi celle de mon ventre, quand on me les appliquait, me paraissaient néanmoins fort peu chaudes, et que je me plaignais de les trouver trop froides. Tout ce qui me restait de vie s’était réfugié dans la tête que j’avais très-faible sans doute, mais encore parfaitement saine. Au bout de ces quinze jours, le mal diminua, et recula ainsi peu à peu jusqu’au trentième ; mais les évacuations allaient au-delà de dix dans les vingt-quatre heures : Enfin, au bout de six semaines, je m’en vis débarrassé, mais réduit à l’état de squelette et si fort anéanti, que pendant quatre semaines encore, quand on voulait faire mon lit, il fallait me prendre