Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/419

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composition ou à l’étude. Si je puis encore m’exercer dans deux ou trois genres divers, où je me réserve d’essayer mes dernières forces, j’ajouterai alors les années que j’y aurai consacrées à cette quatrième époque, celle de ma virilité ; sinon, en reprenant cette confession générale de ma vie, je commencerai par ces années stériles, la cinquième époque, celle de ma vieillesse et de ma seconde enfance, que j’écrirai en fort peu de mots et comme chose inutile sous tous les rapports, si toutefois il me reste encore assez de sens et de jugement.

Mais si je venais à mourir dans l’intervalle, ce qui n’a rien d’invraisemblable, je prie dès aujourd’hui toute personne bienveillante entre les mains de qui pourra tomber ce récit, d’en faire tel usage qui lui paraîtra le meilleur. Si elle l’imprime tel qu’il est, on y verra, je l’espère, que s’il a été écrit avec précipitation, il l’a été du moins sous la vive impression de la vérité ; deux choses qui engendrent en même temps la simplicité et l’inélégance dans le style. Si l’on veut terminer ce récit, je désire que l’on y ajoute seulement l’époque, le lieu et le genre de ma mort. Quant aux dispositions d’esprit dans lesquelles m’aura surpris la dernière heure, mon ami pourra hardiment certifier au lecteur, en mon nom, que je connaissais trop ce monde trompeur et vide, pour emporter avec moi un autre regret que celui d’y laisser ma bien-aimée ; comme aussi, tant que je vivrai, ne vivant désormais que pour elle et en elle, la seule pensée de la perdre pourra m’émouvoir ou m’épouvanter ; je ne de-