Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/423

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l’habitude du vers blanc. Mais ennuyé de faire chaque jour une même chose, pour varier et rompre l’uniformité de mes occupations, sans cesser de me fortifier dans le latin, j’entrepris également de traduire Térence d’un bout à l’autre. Je voulais en même temps, à l’aide de deux modèles si purs, me créer un vers comique pour écrire plus tard des comédies de ma façon, comme depuis longtemps j’en avais le projet, et apporter dans la comédie un style original et bien à moi, comme je croyais l’avoir fait dans la tragédie. Prenant donc alternativement un jour l’Énéide, et l’autre Térence, dans le cours de 1790, et jusqu’au mois d’avril 1792 que je quittai Paris, j’achevai de traduire les quatre premiers livres de l’Énéide, et de Térence, l’Eunuque, l’Andrienne, et l’Eautontimorumenos. En outre, pour me distraire de plus en plus des funestes pensées que m’inspiraient les circonstances, je voulus essayer encore de dérouiller ma mémoire, que la composition et le travail de l’impression m’avaient fait long-temps négliger, et l’inondant de lambeaux d’Horace, de Virgile, de Juvénal, encore de Dante, de Pétrarque, du Tasse, de l’Arioste, je parvins à me loger dans la tête un millier de vers pris de tout côté. Ces occupations de second ordre achevèrent d’épuiser mon cerveau, et m’ôtèrent à jamais la faculté de rien produire qui m’appartînt. C’est pourquoi de cestramélogédies, que je devais au moins porter à six, il me fut impossible d’en ajouter une à la première, à l’Abel ; et dérouté ensuite par tant d’objets divers, j’y perdis ce qu’il