Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/432

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me faire le traducteur de Virgile et de Térence. Pendant ce dernier séjour à Paris, non plus que dans le précédent, je ne voulus jamais fréquenter ni connaître, même de vue, un seul de ces innombrables faiseurs de prétendue liberté, pour qui je me sentais la répugnance la plus invincible, pour qui j’avais le plus profond mépris. Aujourd’hui même où j’écris, depuis plus de quatorze ans que dure cette farce tragique, je puis me vanter que je suis encore, à cet égard, vierge de langue, d’oreille, et même d’yeux, n’ayant jamais vu ou entendu, ou entretenu aucun de ces Français esclaves qui font la loi, ni aucun de ces esclaves qui la reçoivent.

Au mois de mars de cette année, je reçus des lettres de ma mère, et ce furent les dernières. Elle m’y exprimait, avec une vive et chrétienne affectio , sa grande inquiétude de me voir, disait-elle, « dans un pays où il y avait tant de troubles, où l’exercice de la religion catholique n’était plus libre, où chacun ne cesse de trembler dans l’attente de nouveaux désordres et de calamités nouvelles. » Elle ne disait, hélas ! que trop vrai, et l’avenir le prouva bientôt. Mais lorsque je me remis en route pour l’Italie, la digne et vénérable dame n’existait déjà plus. Elle quitta ce monde le 23 avril 1792, à l’âge de soixante-dix ans accomplis.

Cependant s’était allumée entre la France et l’empereur cette guerre funeste, qui finit par devenir générale. Au mois de juin, on essaya de détruire entièrement le nom de roi ; c’était