Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/452

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gues, en me conformant à l’écriture, et non à la manière stupide des Grecs modernes qui, sans s’en apercevoir, ont mis cinq iota dans leur alphabet, ce qui fait un perpétuel iotacisme, un véritable hennissement de chevaux, de l’idiome du peuple le plus heureusement né à l’harmonie qu’il y eût jamais au monde. J’avais surmonté cette difficulté de la lecture et de la prononciation, en me mettant dans la bouche et en déclamant à haute voix, non seulement la leçon journalière du classique que j’étudiais, mais à d’autres heures, et pendant deux heures de suite, sans y rien entendre ou à peu près rien, il est vrai, à cause de la rapidité de ma lecture et du bourdonnement sonore de la déclamation, tout Hérodote, deux fois Thucydide avec son scholiaste, Xénophon, tous les orateurs de second ordre, et deux fois le commentaire de Proclus sur le Timée de Platon, ce dernier uniquement parce que le texte en était imprimé dans un caractère moins aisé à lire, et avec beaucoup d’abréviations.

Un travail si opiniâtre n’affaiblit pas mon intelligence, comme j’aurais pu le croire et le craindre. Il me tira, au contraire, de ma léthargie des années précédentes. Pendant cette année de 1797, je portai mes satires au nombre de dix-sept, où les voici. Je passai une nouvelle revue de mes trop nombreuses poésies, que je fis mettre au net pour les corriger. Enfin, me passionnant de plus en plus pour le grec, à mesure que je croyais mieux le comprendre, je commençai aussi à traduire, d’abord l’Alceste d’Euripide, puis le Philoctète de Sophocle,