Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/456

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je l’ai dit, l’étude sérieuse du grec, j’épousai avidement la pensée de confronter avec le texte ma traduction de l’Alceste, pour rectifier mes erreurs et faire un pas de plus dans l’étude de cette langue, qui ne s’apprend bien que par la traduction, et à la condition de s’obstiner à rendre, ou du moins à faire sentir chaque image, chaque mot, chaque figure de l’original. Mais une fois rembarqué dans la Première Alceste, mon enthousiasme se ralluma pour la quatrième fois, et prenant la mienne, je la relus, je pleurai, je fus content, et le 30 septembre 1798, j’en commençai les vers, que j’achevai, y compris les chœurs, le 21 d’octobre. Et voilà comment je manquai à ma parole après dix années de silence. Mais comme je ne veux pas plus du nom d’ingrat que de celui de plagiaire, reconnaissant cette tragédie pour appartenir tout entière à Euripide, ou du moins ne pouvant la regarder comme mienne, je l’ai placée parmi les traductions, où elle doit rester sous le titre de Seconde Alceste, inséparable de la Première Alceste qui est sa mère. Je n’avais confié mon parjure à personne, pas même à la moitié de mon âme, Je voulus m’en faire un divertissement, et au mois de décembre, ayant invité quelques personnes, je lus ma pièce, comme étant la traduction de celle d’Euripide, et ceux qui n’avaient pas celle-ci bien présente y furent pris jusqu’à la fin du troisième acte ; mais alors quelqu’un qui se la rappelait finit par découvrir la supercherie, et la lecture commencée au nom d’Euripide s’acheva au nom d’Alfieri. La tragédie eut du succès, et ne me