ici je raconterai incidemment une chose que j’avais oubliée. Avant l’invasion des Français, j’avais vu à Florence le roi de Sardaigne, et j’étais allé le
çaise. Cette tache, il est peut-être encore temps pour vous de l’effacer, si vous le voulez. Si vous voulez, au contraire, achever de perdre votre honneur, et pour toujours, vous n’avez qu’à persévérer dans une si odieuse servitude. Je ne vous dis pas de céder aux menaces d’exil et de confiscation que vous fait le gouvernement piémontais ; il faut céder à des menaces bien autrement pressantes, celles que vous font sans doute et votre conscience et votre honneur, et ce tribunal terrible auquel on ne peut échapper, et dont l’arrêt impartial doit un jour nous donner ou nous ôter la renommée. La vôtre jusque ici avait été, non pas intacte, mais glorieuse ; il n’est pas un seul des Piémontais que j’ai vus, qui, en me parlant de vous, ne m’ait parlé aussi de son estime et de son admiration pour vos talens militaires. Reprenez-la donc cette réputation, en confessant aux Français eux-mêmes et à vos concitoyens, que vous avez failli en combattant pour les oppresseurs, pour les tyrans de l’Italie, votre mère, et si l’on peut forcer l’estime d’une nation qui n’en mérite aucune, sachez que les Français eux-mêmes vous estimeront beaucoup plus de les avoir quittés, qu’ils ne le feraient de les avoir servis de tout votre courage.
Du reste, lors même que ces esclaves à qui vous vous associez, ces esclaves parleurs de liberté, viendraient à triompher et à subjuguer l’Europe entière ; lors même que vous atteindriez, au milieu d’eux, le faîte le plus élevé des honneurs, qu’ils dispensent, vous n’en seriez ni plus content de vous-même, ni plus hardi à lever vos yeux sur les miens, si vous me rencontriez. Condamné à mendier, à vivre dans votre patrie de l’existence la plus obscure (ce qui n’arrivera jamais),