Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/83

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maîtrise. Il fallait pour cela subir tant bien que mal un examen public sur l’enseignement de ces deux années de logique, de physique et de géométrie. Je m’y résolus sur-le-champ, et, cherchant un répétiteur particulier qui me remît au moins dans la mémoire les définitions de ces sciences mal apprises, en quinze ou vingt jours, j’arrivai à coudre ensemble à la diable une douzaine de périodes latines, ce qu’il en fallait pour répondre au petit nombre de questions que devaient m’adresser les examinateurs. Je devins donc, je ne sais comment, en moins d’un mois, maître ès art matriculé, et partant j’enfourchai pour la première fois l’échine d’un cheval, un autre art dans lequel je passai maître tout de bon, quelques années après. Mais alors j’étais petit de taille, très-frêle d’ailleurs, et sans vigueur dans les genoux, où s’appuie cependant tout le savoir du cavalier. Avec tout cela, l’énergie de la volonté et l’ardeur de la passion me tenaient lieu de force, et en peu de temps je fis des progrès honnêtes, surtout dans l’art d’unir pour une direction commune la main et l’intelligence, et de saisir ou de deviner les mouvemens et l’allure de la bête. Ce noble et charmant exercice me rendit bientôt la santé, développa ma taille, et me doua d’une sorte de vigueur qui croissait à vue d’œil : j’entrais, on peut le dire, dans une nouvelle existence.

Mon oncle enterré, mon tuteur troqué contre un curateur, délivré du joug d’André, maître es art et me sentant un destrier entre les jambes, il fallait voir comme j’allais de jour en jour, dressant plus