Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mon affection pour cet André qui m’avait tant fait souffrir, était chez moi un mélange de l’habitude contractée depuis sept ans de le voir toujours à mes côtés, et de la justice que je rendais à quelques bonnes qualités dont il était doué ; sa facilité à comprendre, son adresse et sa merveilleuse promptitude à exécuter, les longues histoires et les nouvelles qu’il avait sans cesse à me raconter, pleines d’esprit, de passion et d’images, toutes choses au moyen desquelles, une fois passée la colère que m’inspiraient ses rudesses et ses vexations, il était toujours sûr de faire sa paix avec moi. Toutefois j’ai peine à comprendre qu’avec mon horreur naturelle pour la contrainte et les mauvais traitemens, j’aie pu m’accoutumer au joug de cet homme. Plus tard, cette réflexion m’a rendu indulgent envers ceux des princes qui, sans être absolument des imbéciles, n’ont jamais su échapper à l’ascendant qu’ils avaient laissé prendre sur leur jeunesse, âge funeste, où les impressions que l’on reçoit jettent de si profondes racines !

Le premier fruit que je recueillis de la mort de mon oncle fut de pouvoir aller au manège. C’était là ce que je désirais le plus ardemment au monde, et jusque alors on me l’avait toujours refusé. Le prieur de l’Académie, informé du furieux désir que j’avais d’apprendre à monter à cheval, résolut d’en tirer parti pour mon bien. Il me promit, pour récompense de mon travail, un maître d’équitation, lorsque je me serais décidé à prendre à l’université le premier degré de l’échelle doctorale, appelé la