Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/88

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la sujétion, j’avais toujours, partout où j’allais, mon valet de chambre à mes trousses, et ce joug me pesait d’autant plus que seul j’y étais soumis de tous ceux qui habitaient le premier appartement : les autres sortaient à leur gré, et aussi souvent qu’ils le voulaient. Je ne me payai pas de la raison qu’on m’en donnait, que j’étais le plus enfant de tous, n’ayant point encore quinze ans. C’est pourquoi je me mis en tête de vouloir sortir seul, moi aussi ; et, sans en dire mot à mon valet de chambre, ni à qui que ce fût, ayant envie de sortir, je sortis. D’abord le gouverneur me réprimanda ; je n’en tins compte, et ressortis tout aussitôt. Cette fois je dus garder les arrêts chez moi. Dès que je me retrouvai libre, je sortis seul encore; retenu de nouveau et plus étroitement aux arrêts, puis de nouveau rendu à la liberté, je recommençai derechef. Le jeu continua de la sorte à plusieurs reprises ; ce qui dura bien un mois, la punition devenant toujours plus sévère, et toujours inutilement. À la fin je déclarai, étant captif, qu’il valait mieux me garder une fois pour toutes, parce qu’à peine libre, je ne prendrais, pour sortir immédiatement, la permission de personne ; que je ne voulais rien, en bien ou en mal, qui me fit un sort meilleur ou pire, ou autre, que celui de tous mes camarades ; que cette distinction était injuste, odieuse, et qu’elle me rendait la risée des autres ; que si, aux yeux du gouverneur, je n’étais ni d’âge ni de caractère à pouvoir faire comme ceux du premier appartement, il n’avait qu’à me renvoyer dans le second. Toutes ces petites impertinences me