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UNE PAROISSE AMÉRICAINE

lante et fructueuse, réhabilitant des mariages, ramenant au devoir pascal des retardataires invétérés, aidant plus d’une âme de bonne volonté perdue dans ces milieux infidèles et surtout baptisant des nouveau-nés ou des enfants grandis sans baptême par la négligence de leurs parents. Je me rappelle ainsi une famille à Lothrop où je baptisai d’un coup cinq enfants, dont l’aîné avait 14 ans. Partout je prêchais en anglais, ajoutant parfois quelques mots en italien pour les ouvriers du chemin de fer, presque tous émigrés d’Italie, et que je réussissais quelquefois, mais non sans peine, à rassembler dans la maison où je célébrais la messe.

Je l’ai dit déjà, je célébrais la messe où je pouvais, dans une maison particulière, dans une salle d’école, ou faute de mieux dans une salle de danse. Dès la veille une ou deux femmes préparaient et ornaient l’autel de leur mieux : l’autel, c’est-à-dire une table ou un bureau. Quand je ne trouvais personne qui pût m’aider, j’étendais moi-même une nappe blanche sur un meuble quelconque  ; puis je disposais sur cet autel improvisé les objets nécessaires que j’avais apportés dans ma valise : un crucifix au milieu, deux petits chandeliers en cuivre, une pierre d’autel très mince et très légère, un calice qui se démontait en trois morceaux, un tout petit missel et la sonnette, que je sonnais moi-même, n’ayant jamais de servant. Après la messe se faisait l’offrande : le membre le plus influent de la communauté passait devant les assistants et recueillait leur aumône dans son chapeau, ou bien les fidèles s’approchaient un à un de l’autel et y déposaient qui un dollar, qui un demi-dollar, ou même une modeste pièce de 25 cents. Les catholiques étaient très peu nombreux, la quête ne rapportait jamais une grosse somme  ; elle suffisait cependant pour couvrir mes frais de voyage, d’au-