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LES SUCCESSEURS DE CARNÉADE. — PHILON.

loue aussi son talent, et saint Augustin sa prudence[1]. Sa gloire était assez bien établie pour qu’on l’ait parfois considéré comme le fondateur de la quatrième Académie[2].

Il enseignait la rhétorique en même temps que la philosophie[3] et avait réservé certaines heures de la journée pour cet enseignement ; il ne se bornait pas, comme les rhéteurs, à faire plaider des causes particulières et étroitement circonscrites ; il aimait aussi les sujets généraux[4], les questions de principe que les rhéteurs laissaient d’ordinaire aux philosophes.

Philon avait certainement écrit plusieurs ouvrages ; aucun n’est arrivé jusqu’à nous. Cicéron signale[5] deux livres de lui publiés à Rome, et dont une copie, apportée à Alexandrie, excita l’indignation d’Antiochus[6] ; c’est pour répondre à ces deux livres, pleins, suivant lui, de nouveautés dangereuses, et en contradiction avec l’enseignement de l’Académie, avec celui même de Philon, qu’Antiochus écrivit un ouvrage intitulé Sosus.

À cette attaque, qui paraît avoir été fort pressante, si nous en jugeons par le discours que Cicéron met dans la bouche d’un disciple d’Antiochus, et qui, presque certainement, suivait de très près l’œuvre réelle du philosophe, Philon fit-il une réponse[7] ? On peut conjecturer, d*après un passage de saint Augustin, que le livre d’Antiochus lui fournit une occasion de reprendre contre les stoïciens le combat acharné où s’étaient signalés tous les vrais adeptes de la nouvelle Académie. Cicéron

  1. Contra academic., III, xviii, 61.
  2. Sext., P., I, 220. Euseb., Præp. evang., XIV, iv, 16.
  3. Tusc., II, 11 ; II, 3.
  4. Cic. De Orat., III, 110.
  5. Ac., II, iv, 11.
  6. Lucullus, dans les Académiques, reproduit le discours qu’il a entendu prononcer par Antiochos, et Cicéron insiste à plusieurs reprises sur la mémoire extraordinaire dont Lucullus était doué. Ac., II, i, 2 ; ii, 4.
  7. Krische, dans sa remarquable étude über Cicero’s Akademika (Göttinger Studien, 1845) se prononce pour la négative (p. 194) ; Hermann (op. cit., p. 7) lui oppose avec raison le passage de saint Augustin, Contra academic., III, xviii, 41 : « Sed huic (Antiocho), arreptis iterum illis armis, Philon restitit donec moreretur. » (Cf. Ac., II, vi, 17.)