même opinion sur les choses sensibles[1], diffèrent cependant comme les espèces d’un genre. Les partisans d’Ænésidème font une différence entre les phénomènes ; les uns apparaissent communément à tous les hommes, les autres en particulier à quelques-uns. Ceux qui apparaissent à tous de la même façon sont vrais ; ceux qui ne présentent pas ce caractère sont faux : d’après son étymologie, le mot vrai signifie ce qui n’échappe pas à l’opinion commune. »
Entre ces divers fragments, pouvons-nous découvrir un lien ?
Il semble bien que plusieurs au moins des propositions dogmatiques d’Ænésidème sont le développement de cette formule qui lui est commune avec Héraclite : dans la réalité, dans l’absolu, les contraires coexistent.
Dire que l’être est l’air, et qu’il est le temps, que le temps est un corps, identique lui-même à l’unité, c’est rapprocher et confondre des choses que le sens commun et les philosophes distinguent et opposent l’une à l’autre[2]. Ainsi encore la partie est identifiée au tout, et le tout à la partie, la parcelle à la partie et la partie à la parcelle. Peut-être Ænésidème n’a-t-il ramené toutes les espèces de mouvements à deux, que pour montrer ensuite que ces deux mouvements différents ou contraires sont identiques, et ne diffèrent pas du temps ou de l’être. Enfin la raison de l’homme est identifiée à la raison universelle, l’esprit à la matière, le contenu au contenant. Les sens et la raison, qu’on est habitué à distinguer, sont une seule et même chose[3].
Nous ne voyons pas, il est vrai, comment on peut rattacher à cette théorie métaphysique l’autre opinion dogmatique affirmée par Ænésidème : les phénomènes qui paraissent à tous de la même manière sont vrais. On est surpris de voir le sens commun devenir une règle de connaissance et un critérium de vérité dans
- ↑ M., VIII, 8.
- ↑ Nous voyons notamment (Sext., M., X, 227) que stoïciens et épicuriens s’accordaient à regarder le temps comme incorporel.
- ↑ Il est à remarquer qu’ici ce n’est pas d’Héraclite, mais de Straton le physicien que Sextus rapproche Ænésidème : ce qui semble témoigner de l’indépendance de sa pensée.