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CONCLUSION.

nide et prouver que le non-être est à quelques égards et que, de son côté, sous certains rapports, l’être n’est pas[1]. »

En même temps qu’il résolvait à sa manière la difficulté, Platon faisait droit à l’objection. Les sceptiques oublièrent ou ne comprirent pas la réponse ; ils retinrent l’objection. Ils étaient dans leur droit, au point de vue de la dialectique, vis-à-vis d’adversaires qui n’admettaient pas, eux non plus, la solution platonicienne. Il faut convenir avec eux que le raisonnement pur, la déduction toute seule, ne suffisent pas à fonder la science. Il faut d’autres principes que le principe d’identité, des principes synthétiques, comme l’a montré Kant, c’est-à-dire des données premières, qu’on accepte sans les faire dériver d’un principe supérieur, sans les déduire. Les sceptiques n’eussent peut-être pas accordé qu’il existe de tels principes, mais ils ont bien vu l’insuffisance du principe d’identité et ils auraient pu invoquer en leur faveur le témoignage de Platon.


Au défaut de la démonstration, la science atteint-elle la vérité par la recherche et la découverte des causes ? De nos jours, on confond souvent cette manière de procéder avec la précédente : nous voyons à chaque instant donner le nom de démonstration à des raisonnements où le principe de causalité joue le principal rôle. Les sceptiques les distinguaient, et ils avaient raison. Le raisonnement proprement dit ne pose que des identités ; à chacun des degrés qu’il parcourt, nous savons, nous comprenons que les termes qui se substituent les uns aux autres sont identiques ou équivalents. Mais, quand on parle de cause et d’effet, le lien qui unit les termes est fort différent ; la cause ne saurait être conçue comme identique à l’effet. Entre deux choses posées et maintenues comme distinctes, on affirme une relation sui generis ; on conçoit dans la première une force, une énergie qui suscite et amène à l’existence la seconde. Par suite,

  1. Sophist., 241, D. : Τὸν τοῦ πατρὸς Παρμενίδου λόγον ἀναγκαῖον ἡμῖν ἀμυνομένοις ἔσται βασνίζειν καὶ βιάζσθαι τό τε μὴ ὂν ὡς ἔστι κατά τι καὶ τὸ ὄν αὖ πάλιν ὡς οὐκ ἔστι πή.