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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/429

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CONCLUSION.

de la représentation ; on le définira en disant que toute idée implique un sujet et un objet ; mais alors il n’y a plus ni vérité ni objet : en ce sens, une idée fausse a un objet et elle lui est conforme ; seulement cet objet n’existe pas. Écartons donc cette définition insuffisante.

Il n’y a de vérité que dans les jugements, et c’est seulement dans le lien qui unit les termes d’un jugement que réside la vérité. Un jugement vrai est un jugement tel que nous ne puissions, malgré les plus grands efforts, séparer les termes qu’il unit. C’est la nécessité qui caractérise la vérité. La vérité ne saurait changer : c’est parce qu’ils sont nécessaires que les jugements vrais sont immuables. La vérité est la même pour tous les esprits : c’est parce qu’ils sont nécessaires que les jugements vrais sont universels. C’est en ce sens encore que la vérité est absolue : elle ne dépend pas de nous, elle domine nos individualités et nos personnes, elle s’impose. Remarquons qu’il s’agit ici d’une nécessité tout intellectuelle, et non pas de la nécessité de croire. Que l’adhésion soit libre ou nécessaire, c’est une question dont nous avons dit quelques mots ci-dessus : même si l’adhésion est libre, on peut comprendre qu’il y ait des synthèses nécessaires en ce sens qu’on n’en puisse disjoindre les termes sans que la pensée soit hors d’état de s’exercer. C’est uniquement cette dernière nécessité qui caractérise la vérité.

Il y a deux sortes de vérités : les vérités de raisonnement ou a priori ; les vérités de fait ou a posteriori. Dans le premier cas, la nécessité qui unit les termes est directement connue par la pensée ; l’esprit découvre une identité sous la diversité apparente des termes, et, dès lors, il ne peut plus les séparer sans se contredire. Dans le second cas, la nécessité résulte uniquement de ce que les sensations, que les termes expriment, sont toujours données dans le même ordre par l’expérience. Si nous essayons de modifier cet ordre, l’observation nous donne infailliblement un démenti. Que cette nécessité soit le fond même de la réalité, ou qu’il n’y ait dans l’absolu que de la contingence, toujours est-il que les phénomènes nous apparaissent, nous sont