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la garçonne

L’après-midi, si mal en train qu’elle se sentit, elle passa au Vaudeville. On répétait pour la seconde fois dans le décor, et l’administration avait téléphoné, le matin, que M. Lair désirait voir Mlle Lerbier, en personne. Quand elle entra sur le plateau, elle s’arrêta, interloquée, en entendant des éclats de voix. C’était Lair qui hurlait :

— L’académie ? Je m’en fous… Votre pièce n’est pas meilleure pour ça ! Une ordure, je vous dis ! Ici il n’y a qu’une chose qui compte. La mise en scène.

— Mais enfin, monsieur !…

Elle reconnut le timbre irrité de Dussol, aussitôt couvert par le rugissement du comédien. « Aah ! » Tout se tut, comme elle paraissait.

Fernand Dussol, stupéfait, contemplait son interprète qui, saisissant son chapeau, s’en coiffait avec une fureur froide, et gagnait la porte, en brandissant sa canne. Aux émois, le régisseur et le directeur, Bartal, couraient à ses trousses, le retenaient par le pan de son veston. Mais Lair, outragé, ne voulait rien entendre. Tous trois s’engouffrèrent, dans la fente d’un portant,

Fernand Dussol avisa Monique et, tout en feu sous ses cheveux gris, lui conta l’aventure. Exproprié jusque-là des répétitions par l’autocratie de Lair, qui ne tolérait, dans sa création, aucune espèce d’ingérence, surtout celle de l’auteur, — il avait dû, pour éviter un esclandre, remettre ses observations au moment où la pièce, étant sue, lui serait présentée d’affilée…

— Mais comment, Maître, vous célèbre, avez-vous accepté ?…

— Il aurait fallu ou retirer Sardanapale, — et Bartal