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la garçonne

Elle se rejeta en arrière. La voiture s’ébranlait.

En un instant, la petite maison, Julia, Régis, tout avait disparu. Il n’y avait autour d’elle que l’ombre humide, épaisse, une sensation de fin du monde : le déluge, dans la nuit, — et, en elle, un allégement immense.


Rue de La Boëtie, personne ne l’attendait. Pas de clefs. Elle dut, laissant ses mailles au concierge, reprendre un taxi, aller coucher à l’hôtel. Elle était si lasse qu’elle ne réagissait plus. Elle se coucha brisée, comme si elle revenait, en effet, d’un long, long voyage. Elle était si énervée qu’elle ne put fermer l’œil.

Il fallut quelques jours pour qu’elle reprît équilibre. À sa joie d’avoir échappé au dégradant supplice, une fatigue si grande se mêlait que tout, pour rien, l’excédait. Elle ne se trouvait bien qu’étendue. Il lui semblait sortir d’une maladie mortelle et s’éveiller, dans les premières langueurs de la convalescence.

Mlle Tcherbalief, — au courant de l’aventure dont elle devinait à mi-mots ce que Monique, par respect d’elle-même, voulait taire, — lui fut, durant ces heures, de précieuse amitié. Elle monta la garde autour de sa Chaise longue, écartant visites et coups de téléphone importuns, veillant aux surprises du courrier… Régis écrivait lettre sur lettre.

Mais, loin de s’émouvoir à la vue de la rude écriture, — dont avec tant de ferveur elle s’était employée, naguère, jusqu’à recopier des pages, — Monique, sans même ouvrir, jetait au feu les enve-