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la garçonne

— Si vous saviez !…

Remuée jusqu’au fond des souvenirs, la lie remontait en elle… Elle avait un besoin de s’accuser, de s’excuser… Pourtant elle venait de payer assez cher une franchise dont la jalousie de Régis lui criait encore l’imprudence et le danger. Mais, cette confession qu’elle avait faite à l’ami et dont l’amant avait tant souffert, ne la devait-elle pas, quoi qu’il en pût coûter, à celui qui, ayant sauvé sa vie, en était devenu l’arbitre ?… Soif mystique de s’humilier, en punition de son orgueil. La révoltée d’autrefois devant le mensonge et la brutalité de l’homme, la garçonne orgueilleuse se retrouvait femme, et faible, devant la grandeur du véritable amour.

— Si vous saviez ! répéta-t-elle…

— Mais je sais ! Oui, je sais que vous avez souffert, comme tous les cœurs altérés d’absolu ! Je sais que, sans que vous ayez jamais fait de mal aux autres, les autres vous en ont fait. Le reste, que m’importe ? C’est le passé, qui vous appartient ! Il n’y a pour moi dans la vie, et par conséquent dans sa forme la plus haute, l’amour, que des êtres égaux et libres. On n’a de droits sur la personne qu’on aime, que ceux qu’elle vous donne. Et c’est seulement de l’heure où l’on s’est donné l’un à l’autre que l’on devient comptable, l’un vis-à-vis de l’autre.

Elle l’écoutait, comme la pécheresse écoutait le Sauveur.

— Tout ce que je sais, Monique, c’est que vous étiez, que vous êtes une fière, une jolie âme, élancée vers tout ce qui exalte la pauvre bonne volonté humaine ! Un être épris de vérité et de justice. Un être que la souffrance, loin de ravaler, a grandi.