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la garçonne

— Si c’était vrai !

— La souffrance, Monique, c’est le bain révélateur. Une âme basse en reste corrompue. Une âme haute en sort trempée. Ayez confiance ! Les mauvais jours sont finis ! La route tourne.

— Comme je regrette ! soupira-t-elle… Comme j’aurais voulu vous apporter un cœur qui n’aurait jamais battu que pour vous !…

— Vous pleurez !

— Oui, je pleure sur la petite Monique, sur sa fraîcheur que je n’ai plus ! Je pleure en pensant à la joie qu’elle aurait, si vos bras étaient les premiers qui l’enlacent !… Je pleure en pensant à la petite Monique de tante Sylvestre !

La touchante voix le pénétrait, avec son déchirant regret. Il sentit ses yeux se mouiller de larmes.

— Ne pleure pas !… Ne pleure pas, je t’en supplie. Tu ne sens donc pas que l’amour, le vrai, porte en lui une si rayonnante lumière qu’il efface toute ombre ? Ne pense plus aux cauchemars de la nuit ! Nous nous mettons seulement à vivre ! Nous nous éveillons, avec le jour qui se lève…

— Mon amour, murmura-t-elle.…

Son visage mouillé s’éclairait, comme un matin dans la rosée. Il souleva les bras, elle s’y laissa tomber, inclinant sur le lit son buste que la blouse protégeait, d’un bouclier blanc. Une sorte de pudeur, qu’elle n’avait jamais éprouvée, la maintenait pelotonnée contre lui… Ni l’un ni l’autre ne songeait, dans l’éternité de cette minute, à cueillir la rose du baiser, qui s’ouvrait à leurs lèvres.

À son tour, il caressa le front rayonnant, les fins cheveux cuivrés :