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la garçonne

Il avait pris dans sa robuste patte une tigelle d’aubépine. Il l’examinait curieusement.

— Est-ce joli, ces pétales blancs ! bonimenta la présidente. Remarquez cette finesse de ton ! On ne sait si c’est de l’ivoire ou du jade.

Monique rectifia :

— C’est simplement de la mie de pain séchée, et coloriée.

— Aoh ! fit John White. Réellement ?… Je garde.

Et tandis qu’il donnait à tenir à la grosse Mme Merlin le délicat joyau, il tira un carnet et son stylo, de la poche intérieure de son veston, et impassible signa, détacha, tendit deux chèques : l’un de cinq mille francs à Monique stupéfaite : « Pour l’aubépine… » — l’autre, de dix mille francs, à la présidente dont la face ronde eut un éclat de pleine lune : « Pour les Mutilés ».

Puis, ayant souri sans mot dire à Monique, il distribua collectivement au comptoir un triple déclic de tête et reprit sa route, sans manifester le moindre désir de faire halte au reposoir suivant, malgré les prosternations de Mme Bardinot.

Mais il convenait d’offrir, le plus tôt possible, une coupe de champagne au donateur. La présidente, satisfaite, dédaignait maintenant les démonstrations superflues. Et se pressant derrière la haute mâture américaine et le roulis de la chaloupe-pilote, la vague du cortège s’écoula vers le buffet.

— Vous ne nous aviez pas dit, ma chère petite, que vous étiez en relations avec l’Amérique ! reprocha Mme Hutier.

— Moi ? Je n’ai jamais entendu parler de John White.