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la garçonne

— C’est vrai ! attesta un nouveau venu.

D’une pièce Monique pivota, en entendant la voix qui soudain couvrait, pour elle, toutes les autres. Lucien Vigneret acheva :

— Mais John White a dû entendre parler de l’invention de M. Lerbier !

Monique, soudain, s’était éclairée. Un feu rose animait la blancheur délicate de son teint. Elle agita le chèque :

— Comment ! vous savez déjà ?

— C’est l’Événement !

— Je n’en reviens pas…

« Cause toujours ! » se dit Ginette, en retournant à ses affaires, persuadée qu’il y avait là-dessous un coup monté, cependant que Mme Hutier, indulgente aux succès et à l’amour consacrés, s’empressait de laisser les amoureux à leurs confidences… « Quel joli couple, et si bien assorti ! »

Monique et Lucien mimaient du bout des lèvres l’échange d’un baiser. Sous la banalité des paroles, elle n’entendait que le chant de son bonheur.

— Ne cherchez pas midi à quatorze heures, continuait Vigneret. Ce n’est pas pour mériter votre sourire, quoiqu’il vaille bien un chèque, que John White s’est fendu. Ce coup droit vise votre père. Le gaillard doit penser qu’il y a dans l’intégration de l’azote aux engrais agricoles une application profitable à la terre américaine. Et comme John White, francophile, aime mieux commercer avec Aubervilliers qu’avec Ludwigshafen… Vous saisissez ?

Well ! Les dollars seront les bienvenus.

Il remarqua, avec une amertume qui la surprit :

— Certes ! L’or est toujours le bienvenu. Surtout