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Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/301

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la garçonne

voulez-vous que je vous dise, moi, ce que vous êtes, oncle Georges ? Un ingrat.

Elle souriait, malicieusement, en les unissant dans le même regard. Il répondit, d’une voix grave :

— Non, ma chère, ma bonne amie ! Je ne suis pas un ingrat. Je me souviendrai toujours que c’est là, sur ce canapé où votre autorité m’enchaîne, que Monique m’a pris les mains et me les a serrées, d’une étreinte si forte que rien ne la dénouera plus. C’est à cette maison, c’est à vous, à Ambrat, que je dois mon bonheur.

Mme Ambrat se leva d’une pièce. L’émotion tiraillait sa face sèche. Elle alla d’abord baiser « l’oncle Georges » sur les deux joues, puis elle revint à Monique, qui machinalement s’était levée aussi, et, troublée, la regardait faire.

— Maintenant, au tour de ma nièce !

À ce mot, qui faisait entre elles surgir leur plus cher souvenir d’amitié, Monique crut voir se dresser entre elles, avec sa bonne face souriante, la vieille femme qui avait été son éducatrice. Tante Sylvestre se confondit avec Mme Ambrat… Longuement, Monique embrassa l’amie qui avait succédé, dans son cœur, à la disparue. C’était comme si, à travers le mirage du passé, elle eût serré, contre elle, une vraie maman.

— Sais-tu à quoi je pense, mon petit ? dit Mme Ambrat, quand elle eut dominé son attendrissement… Tu viens de parler de Noël ? Il y aura quatre ans, le vingt-quatre de ce mois, ta pauvre tante était venue ici manger le boudin et l’oie… C’est la dernière fois que je l’ai vue. Réunion mercredi en quinze ! Nous réveillonnerons en pensant à elle. Elle aurait été si heureuse de ton bonheur !