Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
la garçonne

de choquant d’être sur la sellette, les yeux bandés, les mains derrière le dos ?… Il faut deviner la personne qui s’assied sur vos genoux, et qui vous embrasse. Voilà tout. Tant qu’on se trompe, le tour continue.

— Et alors ?

— On s’est arrangé pour coller Cecil sur la sellette. Le mouchoir noué, nous avons fait signe aux petits jeunes de rester tranquilles. Des hommes, ça lui aurait fait trop de plaisir ! Et nous avons commencé à l’embrasser, l’une après l’autre, le mieux qu’on a pu. Simone s’était mis de l’étoupe sous le nez, pour faire moustache. Quand par hasard il disait le vrai nom, on criait : « C’est pas ça ! » Et on s’appliquait de nouveau… Dans le cou, sur les lèvres… À la fin, il devenait fou. On l’a relâché ! Et sais-tu ce qu’il a eu le toupet de nous dire ? « Petites garces ! Vous ne m’avez pas eu… » Mais Simone — qui s’était assise sur lui, après moi — a bien su lui répondre. D’ailleurs, rien qu’à voir ses drôles d’yeux et son air aplati, je suis sûre aussi qu’il mentait !… On aurait juré un de ces machins en baudruche dans lesquels on a soufflé, et qui achèvent de se dégonfler en faisant : couic !

La sonnette de l’entr’acte tinta.

— Tenez, vous me dégoûtez ! dit Monique. Au revoir.

Elle se sauvait, écœurée. Que pouvait penser de cette inconsciente, et d’elle-même, un homme comme Max de Laume, intelligent, qui avait fait la guerre, et dont le métier était d’observer les mœurs, en critiquant les lettres ? Monique en était sûre, il l’englobait dans le même mépris.

À peine le dos tourné, Michelle, obligeamment, y travaillait.