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Page:Vidalenc - William Morris.djvu/108

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Morris, qui était en droit de penser que durant plusieurs années encore on lui ferait crédit. Mais Ford Madox Brown, déjà vieux, très aigri d’ailleurs, et n’ayant aucune fortune personnelle comptait beaucoup sur les revenus qu’il espérait tirer de la société, et ce fut uniquement par amitié pour son vieux maître que Rossetti se rangea à son avis. Son désintéressement personnel ne fait en effet aucun doute, nul homme ne fut jamais, plus que lui, dédaigneux de l’argent et des questions d’intérêt.

Quoi qu’il en soit ces années 1874 et 1875 furent extrêmement pénibles pour Morris. Indépendamment de la douleur de voir se rompre sur une question d’argent des amitiés de vingt ans, il eut un moment à se débattre dans des difficultés financières qui le privaient de cette liberté d’esprit, cette joie de travailler à sa guise qu’il aimait par-dessus tout. Ce ne fut certes pas la misère, mais les soucis commerciaux, l’appréhension des échéances, l’inquiétude pour les siens et surtout la crainte de voir disparaître l’œuvre qu’il aimait et à laquelle il avait déjà consacré tant d’efforts. Il avait jusque-là conservé une très grande jeunesse de caractère, une gaieté prompte à naître, une ardeur volontiers exubérante, une belle confiance en la vie; tout cela ne disparaîtra pas mais se nuancera d’un peu d’amertume et de mélancolie ; Il dut à cette épreuve de mieux pénétrer la peine des hommes et peut-être faut-il voir là un des éléments qui déterminèrent son orientation vers le socialisme. Nous le savions déjà prêt à s’enthousiasmer pour toutes les nobles causes, mais cette crise fut décisive dans la formation