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Page:Vidalenc - William Morris.djvu/160

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illustre devancier, qui n’ambitionnait pas d’autre titre que celui de disciple et qui pourtant fut aussi grand que le maître ? « Ce serait ingratitude de ma part, disait-il, moi qui ai tant appris de lui, que quand je parle je ne peux m’empêcher de sentir continuellement que je ne suis que l’écho de ses paroles, de ne pas citer le nom de John Ruskin dans une étude sur la transformation de l’art. »

A notre avis Morris montrait trop de modestie et il fut autre chose qu’un écho. Sans doute beaucoup de ses idées ne sont pas originales, on peut les trouver dans Carlyle, et Ruskin les avait prêchées avant lui à ses étudiants d’Oxford, mais elles étaient restées assez obscures dans la pensée même du maître. On sait quel était le charme des discours de Ruskin et l’incohérence de ses raisonnements, il séduisait et déconcertait à la fois, et les auditeurs sortaient enthousiasmés, admiratifs mais peu convaincus ou insuffisamment renseignés. C’est pourquoi il ne fut jamais un véritable entraîneur d’hommes; on l’applaudissait, on l’acclamait mais on ne le suivait pas et la plupart de ses expériences pratiques échouèrent lamentablement, parce qu’il n’avait aucun sens des réalités et faute d’avoir tenu compte des étapes nécessaires. « Le tort de Ruskin, dit Roger Marx, ne fut pas d’installer des collections de primitifs italiens aux portes des usines de Sheffield, mais de méconnaître la phase de préparation nécessaire au plus grand nombre pour goûter les beautés d’un autre temps et d’un autre pays. »