Page:Vidalenc - William Morris.djvu/161

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Au contraire Morris avait un sens très net des nécessités présentes, une merveilleuse faculté d’adaptation et le don précieux de faire naître les efforts et les initiatives. Ruskin était resté un isolé, peut-être à cause de sa grandeur même, de son attitude un peu hautaine ; Morris fut infiniment plus vivant, moins profond peut-être, mais plus puissant. Nous n’avons nul dessein de les opposer ici pour exalter l’un aux dépens de l’autre ; nous avons seulement voulu montrer que Morris ne fut pas un disciple au sens ordinaire du mot ; sur bien des points il compléta, précisa ou rectifia la pensée du maître et surtout, descendant des hauteurs nuageuses et métaphysiques où se plaisait l’apôtre, il humanisa en quelque sorte les idées de Ruskin.

Les théories sociales de Morris dérivent de ses idées sur l’art. Il souhaitait une société mieux organisée, moins dure aux faibles, qui permît à l’art de s’épanouir et de devenir vraiment populaire. Mais tandis que Ruskin, avec des idées analogues, essayait de créer de toutes pièces une communauté mystique à la fois révolutionnaire et conservatrice, Morris détaché de toute préoccupation religieuse se rapprochait du seul parti organisé dont le programme correspondît à son idéal : le parti socialiste. Il hésita longtemps avant de donner son adhésion formelle; bien que des tendances socialistes apparaissent chez lui avant 1880, ce n’est qu’en 1883 qu’il adhéra à la Fédération sociale démocratique.

Il avait alors quarante-neuf ans, cette décision ne fut donc pas le résultat d’un entraînement passager, d’un