Page:Vidalenc - William Morris.djvu/37

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voyage il écrivait à son ami Price resté en Angleterre des lettres enthousiastes pour lui vanter les richesses artistiques de la France : « Crome, nous avons vu neuf cathédrales et je ne sais combien d’églises non cathédrales ! Il me faut les compter sur mes doigts. Je pense que j’en oublie quelques-unes, mais je retrouve vingt-quatre églises toutes splendides et certaines d’entre elles surpassent des cathédrales anglaises de premier ordre. »

C’est au retour qu’un soir, devisant sur les quais du Havre, Burne-Jones et Morris décidèrent de renoncer à l’état ecclésiastique. Leur zèle néo-catholique s’était considérablement attiédi, leurs croyances religieuses étaient devenues moins vives, et avec une parfaite sincérité ils renonçaient à une profession pour laquelle ils ne se sentaient plus une vocation assez vive. Ils décidèrent aussi de quitter Oxford le plus vite possible pour devenir artistes : Burne-Jones serait peintre et Morris architecte. Ce n’était pas à leurs yeux une abdication, un renoncement à leur idéal primitif, ils pensaient au contraire l’enrichir, le rendre plus humain, plus vivant. Morris se faisait une très haute idée de la mission de l’artiste dans la société moderne ; il voyait en lui le remplaçant du prêtre dont le pouvoir disparaissait en partie avec la foi, il le considérait un peu comme le guide de l’humanité, le « phare », pour reprendre l’expression de Baudelaire, qui doit montrer la route vers le mieux. Ainsi déjà il affirmait quelques-unes des idées qu’il devait plus tard soutenir avec énergie : la nécessité du devoir social dont nul homme ne doit se désintéresser, la