Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/239

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mêmes, ces hommes, loin de se désespérer, s’abandonnaient à tous les écarts d’une gaieté tumultueuse. Les uns vociféraient d’horribles plaisanteries, répétées de toutes parts avec les intonations les plus dégoûtantes : les autres s’exerçaient à provoquer par des gestes abominables le rire stupide de leurs compagnons. Ni les oreilles ni la pudeur n’étaient épargnées : tout ce que l’on pouvait voir ou entendre était ou immoral ou ineuphonique. Il est trop vrai, qu’une fois chargé de fers, le condamné se croit obligé de fouler aux pieds tout ce que respecte la société qui le repousse : il n’y a plus de frein pour lui que les obstacles matériels : sa charte est la longueur de sa chaîne, et il ne connaît de loi que le bâton auquel ses bourreaux l’ont accoutumé. Jeté parmi des êtres à qui rien n’est sacré, il se garde bien de montrer cette grave résignation qui annonce le repentir ; car alors il serait en butte à mille railleries, et ses gardiens, inquiets de le trouver si sérieux, l’accuseraient de méditer quelque complot. Mieux vaut, s’il aspire à les tranquilliser sur ses intentions, paraître sans souci à toute heure. On ne se défie pas du prisonnier qui se joue avec son sort : l’expérience de la plupart des scélérats