Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/278

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qui a passé quelque temps au bagne tire toujours involontairement la jambe par laquelle il a traîné le fer. Il fallait cependant passer devant ce redoutable personnage, qui fumait gravement, en fixant un œil d’aigle sur tout ce qui entrait ou sortait. J’avais été prévenu ; je payai d’effronterie ; arrivé devant Lachique, je déposai à ses pieds une cruche de lait de beurre, que j’avais achetée pour rendre mon déguisement plus complet. Chargeant alors ma pipe, je lui demandai du feu. Il s’empressa de m’en donner avec toute la courtoisie dont il était susceptible, et après que nous nous fûmes réciproquement lâché quelques bouffées de tabac dans la figure, je le quittai pour prendre la route qui se présentait devant moi.

Je la suivais depuis trois quarts d’heure, quand j’entendis les trois coups de canon qu’on tire pour annoncer l’évasion d’un forçat, afin d’avertir les paysans des environs qu’il y a une gratification de cent francs à gagner, pour celui qui saisira le fugitif. Je vis en effet beaucoup de gens armés de fusils ou de faux, courir la campagne, battant soigneusement le buisson, et jusqu’aux moindres touffes de genêt. Quelques laboureurs paraissaient même devoir emporter des armes