Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/147

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d’un baril de genièvre et de quelques bouteilles, j’aperçois un corps étendu : c’est lui ; je le secoue, je le retourne… il est noir… il est mort.

Telle fut la fin de mon protecteur, une congestion cérébrale, une apoplexie foudroyante ou une asphyxie, causée par l’ivresse, avait terminé sa carrière. Depuis qu’il existait des sergents d’artillerie de marine, on n’en citait pas un qui eût bu avec autant de persévérance. Un seul trait le caractérisa : ce prince des ivrognes le racontait comme le plus beau de sa vie.

C’était le jour des Rois. Dufailli avait attrapé la fève : pour honorer sa royauté, ses camarades le font asseoir sur une civière portée par quatre canonniers ; c’était le pavois sur lequel on l’élevait À chaque brancard pendaient des bidons d’eau-de-vie provenant de la distribution du matin ; juché sur cette espèce de palanquin improvisé, Dufailli faisait une pose devant chaque baraque du camp, où il buvait et faisait boire aux acclamations d’usage. Ces stations furent si souvent réitérées, qu’à la fin la tête lui tourna, et que sa majesté éphémère, introduite dans une escouade, avala, presque sans la mâcher, une livre de lard qu’elle prit pour du fromage de Gruyère : la substance était indigeste. Dufailli,