Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/405

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venir tailler la bavette obligée près de la laitière, du boulanger, de la fruitière, de la mercière ou de l’épicier. Je résolus en conséquence de me mettre en croisière à portée du plus grand nombre possible de ces organes du cancan ; et comme il n’est pas de bossue qui, dans la convoitise d’un mari, ne s’attache à faire parade de tous les mérites de la ménagère, je me persuadai que la mienne se levant matin, je devais, pour la voir, arriver de bonne heure sur le théâtre de mes observations : j’y vins dès le point du jour.

J’employai la première séance à m’orienter : à quelle butière une bossue devait-elle donner la préférence ? nul doute, y eût-il un peu plus de chemin à faire, que ce fût à la plus bavarde et à la mieux achalandée. Celle du coin de la rue Thévenot me parut réunir cette double condition : il y avait autour d’elle des petits pots pour tout le monde, et au milieu d’un cercle bien garni, elle ne cessait pas de parler et de servir ; les pratiques y faisaient la queue, et vraisemblablement aussi elle faisait la queue aux pratiques ; mais ce n’était pas ce qui m’inquiétait ; l’important pour moi, c’est que j’avais reconnu un point de réunion, et je me promis bien de ne pas le perdre de vue.