Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/43

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Ce fantôme bizarre et terrible me fit presque reculer d’effroi, J’étais alors dans une avenue de tilleuls qui mène au vaste plateau du cimetière, et, je ne savois si je devois monter ou redescendre. Mais je scrutai ma conscience, et me sentis le courage d’être juste. Je reconnus en moi un grand amour pour la patrie et pour la liberté, mais une horreur invincible pour les révolutions, et un profond respect pour les lois établies. Convaincu par l’expérience de la nécessité des trônes pour le bonheur des peuples et le repos des états, n’ayant aucun motif de regretter la famille qu’avoit renversée la fortune, je ne trouvai dans mes sentiments et dans mes intérêts que des motifs d’affection pour celle qu’elle avoit relevée. Instruit par l’histoire de toutes les nations, et sur-tout par la nôtre, que les changements de dynastie étoient des calamités pour les empires ; que ce n’étoit jamais qu’à travers des fleuves de sang qu’arrivoient et disparoissoient les races royales, je ne sentis en moi que le désir de conserver celle qu’on nous avoit rendue. Je pourrai me tromper, me dis-je, dans les