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Page:Vigée-Lebrun - Souvenirs de Mme Louise-Elisabeth Vigée-Lebrun, tome 2.djvu/115

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brouillard si épais qu’il ressemblait à une énorme fumée. Tout disparut à nos yeux ; nos compagnons, quoiqu’ils fussent très près de nous, étaient devenus invisibles ; en un mot c’était le néant. Ma petite mourait de peur, et moi aussi. Pour comble de malheur l’humidité était extrême, et nous fûmes obligés de rester en place pendant une heure et demie. Enfin le brouillard se dissipant peu à peu, nous découvrit la mer et tout ce qui l’environne jusqu’aux îles les plus lointaines ; cette création fut admirable.

J’avais fait porter notre dîner chez l’ermite, que nous avions invité à le partager. Avant la fin du repas, cet ermite se leva et passa derrière un vieux rideau qui touchait presque la table. Il resta là tout un quart d’heure ; quand il revint, je lui demandai pour quel motif il nous avait quittés : — C’est, dit-il, que je viens de faire ma prière auprès de mon compagnon qui est mort cette nuit, et qui est là sous ce rideau. À ces mots, on peut imaginer si je me lève à mon tour et si je sors pour aller respirer le grand air.