défunts, quelle chose inouïe ! Détruire les fong chouy, les génies du Vent et de l’Eau, quel crime abominable !
Nous sommes emportés par une poussée gigantesque qui s’appelle le Progrès, et nous avons quelque peine à nous figurer que tout le monde ne nous ressemble pas. Il y a vieux monde et vieux monde. La locomotive sillonne maintenant la vallée du Nil et les déserts où se dressent les pyramides ; on entend ses sifflements dans les montagnes de Judée, et les rubans de fer courent le long du Gange sacré. Cela pourtant c’est le vieux monde. Or il y en a un autre, qui s’est toujours montré réfractaire à nos modernes inventions ; à peine a-t-il accepté le télégraphe. Il n’a pas voulu des chemins de fer, et c’est là peut-être le fait le plus extraordinaire qu’on puisse constater. Un seul pays, grand, immense, avec une population de cinq cents millions d’habitants, a dit son veto devant le progrès, mais il ne l’a pas fait impunément ; il meurt de l’avoir osé.
On verra donc longtemps encore la Chine réfractaire à toute impulsion directe venue d’Europe, et s’il y a une infiltration des idées européennes, vulgarisées dans les ports libres et les concessions et apportées quelquefois au cœur de l’empire, si la Chine commence à s’assimiler à nous et à comprendre, ah ! prenons garde ! Ce peuple, qui a besoin de débouchés, qui se répand en colonies très denses, en Cochinchine, à Siam, à Singapour, en Australie, à San-Francisco, est dans le cas de profiter le premier et largement du nouveau chemin de fer transsibérien, pour venir nous visiter en bataillons serrés et camper sous nos murailles étonnées à leur tour.
Qui sait ? Malgré l’immobilité de ses idées, cette Chine a toujours été la terre classique des révolutions, et ses annales, comme le dit le P. Huc[1], ne sont que le récit d’une longue suite de commotions populaires et de bouleversements politiques. Dans une période de douze cent vingt-quatre ans, depuis l’an 424, date de l’entrée des Francs dans les Gaules, jusqu’en 1644, où Louis XIV monta sur le trône de France et où les Tartares sont arrivés
- ↑ L’Empire chinois.